10 juillet 2008

Comblement de la plage de Ferrières : la maire nous interdit de prendre la parole en conseil municipal

Le conseil municipal du 25 avril dernier devait délibérer sur la passation du marché de comblement de la plage et de l'anse de Ferrières. Nous avions décidé d'intervenir pour expliquer notre opposition à ce projet, mais le maire a interrompu notre intervention dès la première phrase. Attitude inadmissible et illégale dont chacun pourra juger. Voici le compte-rendu in extenso de ce débat tronqué. Nous publions ensuite le texte complet de l'intervention que nous devions faire.

Mais vous pouvez d'abord lire les deux articles publiés par La Provence à propos de ce déni de démocratie en conseil municipal en cliquant sur les liens suivants : Article du samedi 26 avril 2008 et Article du mardi 29 avril 2008.


Compte rendu in extenso des débats :

Intervention de M. CAROZ :
Monsieur le Maire, notre opposition à la suppression de la plage de Ferrières est connue depuis longtemps, mais, au moment d'émettre un vote décisif à cet égard, et ce d'autant plus que ce Conseil comporte de nouveaux élus, nous nous devons de rappeler à nouveau les raisons qui motivent cette opposition.

Intervention de M. le MAIRE :
Attendez. Oh Monsieur Caroz, là on vote sur un appel d'offres. Ne recommencez pas votre cinéma, même que vous soyez un spécialiste, je vous le dis !

Intervention de M. CAROZ :
J'ai le droit quand même de m'exprimer et de donner les raisons de mon vote.

Intervention de M. le MAIRE :
Et on ne refait pas le procès de l’anse de Ferrières, ça été jugé le 9 mars. Voilà ! Vous ne représentez rien !

Intervention de M. CAROZ :
Non, cela…

Intervention de M. le MAIRE :
M. Caroz, vous avez compris ? Alors, je mets aux voix l’appel d’offres.

Intervention de M. CAROZ :
Cela n’a pas été jugé sur le fond.

Intervention de M. le MAIRE :
Quels sont ceux qui sont d’accord ?

Intervention de M. CAROZ :
Vous n’avez pas le droit de m’empêcher de m’exprimer.

Intervention de M. le MAIRE :
Ceux qui sont contre… Deux, allez… Trois, vous êtes contre Monsieur ?... Abstention… Trois contre… Une abstention… Ah non, tout le monde… Ah bon, d’accord…

Intervention de M. PETRICOUL :
Oui, pour dire un mot d'explication, nous avons bien compris que c'était uniquement un appel d'offres et que cela ne remet absolument pas en cause le projet qui, de toute façon, a été voté.

Intervention de M. le MAIRE :
Vos collègues précédemment l'ont voté, quand même je vous le rappelle.

Intervention de M. PETRICOUL :
Simplement moi j'ai une position différente de celle de mes collègues précédents. On ne va pas voter contre, bien évidemment, puisque c'est simplement un appel d'offres. A titre personnel, pendant la campagne, je m'étais exprimé contre ce projet. Voilà pourquoi on s'abstient simplement sur cette question.

Intervention de M. le MAIRE :
Abstentions et trois contre. Allez adjugé.

Texte complet de l'intervention que nous devions faire :

Notre opposition à la suppression de la plage de Ferrières est connue depuis longtemps, mais au moment d’émettre un vote décisif à cet égard, et ce d'autant plus que ce Conseil comporte de nouveaux élus, nous nous devons de rappeler à nouveau les raisons qui motivent cette opposition.

D’abord la beauté de ce site. Comment pouvez-vous à ce point être insensible au charme de cette baie en plein centre-ville, bordée d’un square arboré, et où les promeneurs prennent plaisir à venir flâner en famille ? Comment pouvez-vous croire qu’une jetée rendant le rivage rectiligne, même agrémenté d’un jardin public, pourra avoir la même force émotionnelle que la douce courbure d’une plage ? Il suffit de comparer avec le jardin de la Rode à proximité immédiate. Ne ressentez-vous pas la différence entre la banalité des rives de ce jardin et l’harmonie de celles de la plage ?

Ensuite, comment notre cité peut-elle envisager sans état d’âme de se priver de l’atout d’une plage en centre-ville ? Au moment où toutes les communes riveraines de l’étang de Berre se battent pour la réhabilitation de ce magnifique plan d’eau et s’engagent à entretenir et valoriser leurs plages, nous sommes les seuls à condamner définitivement la nôtre. Martigues a pourtant signé un contrat d’étang qui vise à mettre à profit les nouvelles conditions de rejet imposées par l’union Européenne à EDF afin de reconquérir ses plages et donner un essor touristique aux rives de l’étang.

Enfin, comment pouvez-vous continuer de prétendre que cette plage est un lieu irrémédiablement insalubre ? Pendant des décennies, elle a été la plage de Martigues. Elle était noire de monde durant tout l’été. Certes l’étang de Berre, notre « Mer des Martigues », a ensuite été malmené par de multiples pollutions, lesquelles ont notamment conduit à la prolifération d’algues qui viennent s’échouer sur ses rives. Mais vous savez que cette situation s’est déjà bien améliorée et qu’elle continuera à s’améliorer dans un avenir proche. Nous nous battons tous en ce sens. Vous savez également que le ramassage des algues sur la plage peut se faire sans difficultés.

En effet, après avoir prétendu l’inverse, vous en avez vous-même fait la démonstration depuis plus d’un an. Vous avez enfin ramassé les algues régulièrement sur la plage et celle-ci a retrouvé tout son attrait. Les odeurs nauséabondes ont disparu, l’eau est redevenue claire et transparente, les promeneurs et même des baigneurs ont à nouveau fréquenté régulièrement ces lieux.

Alors vous allez me dire que ce ramassage coûte cher. Certes, rien n’est gratuit, mais vous n’avez pas décidé de supprimer toutes les plages de notre commune parce qu’il faut régulièrement les nettoyer. De plus, ce coût représente peu de choses par rapport aux 6 millions d’euros que vous voulez dépenser pour combler la plage et aménager un jardin public. Il faudrait plus d’un siècle de ramassage des algues pour atteindre une pareille dépense. On peut légitimement espérer que la réhabilitation de l’étang et la disparition du problème des algues interviendront dans une durée plus courte. De plus, nous ne pouvons pas porter une atteinte irrémédiable à un site de cette qualité, pour résoudre un problème temporaire.

C’est pourquoi notre opposition à ce comblement ne relève ni d’une attitude politicienne, ni d’une opposition systématique à tous vos projets. Vous savez que nous votons plus de 90% des délibérations proposées en conseil municipal et c’est uniquement parce que nous avons la conviction que ce projet est mauvais pour notre ville que nous le combattons.

C’est pourquoi, en conclusion, je voudrais d’abord m’adresser à vous M. le Maire. Nous savons que cette opération vous tient particulièrement à cœur et que vous faites une affaire personnelle de la mener à son terme contre vents et marées.

Pourtant, ne pourriez-vous vous interroger un moment sur les vraies raisons qui vous poussent à réaliser ce projet et vous demander si d’autres alternatives ne permettraient pas de répondre autrement et mieux à ces motivations ?

De l’époque où je siégeais au sein la majorité municipale, j’ai gardé le souvenir de deux raisons à ce projet. D’abord la nécessité d’élargir les trottoirs de la rue du Colonel Fabien. Ensuite le souhait de ne plus entendre dire sur les ondes d’une radio ou d’une télévision nationale que la plage de Martigues était polluée. Ne croyez-vous pas qu’il suffirait d’élargir la rue du Colonel Fabien d’un mètre en prélevant une petite bande le long du square pour résoudre la première question ? Et une pollution accidentelle, comme il en arrive de temps à autre sur toutes les plages, justifie-t-elle la disparition d’un site de cette qualité ?

Il est vrai que les motivations de départ semblent avoir évolué, si on en juge par le plan d’aménagement du quartier joint au dossier d’enquête publique. Mais ne voyez-vous pas qu’en remplaçant l’actuel square par des routes et des parkings, vous allez à contre sens d’un urbanisme moderne qui cherche à éloigner les voitures des centres-villes ? Ne voyez-vous pas que vous allez détériorer la qualité de vie dans ce quartier de Ferrières ?

Enfin, je voudrais m’adresser à tous les conseillers municipaux de cette assemblée. La question qui nous est soumise à présent ne relève en rien d’une querelle partisane. Ce qui est en cause, c’est une décision lourde de conséquence, difficilement réversible, et qui marquera pour toujours le visage de notre cité.

En conscience, pensez-vous que vous avez le droit de priver les générations futures d’une plage en centre-ville sur un étang réhabilité devenu un lieu d’attraction touristique ? Si votre intime conviction vous faire répondre non à cette interrogation, vous ne pouvez ni approuver ce projet, ni vous abstenir. Vous devez assumer vos responsabilités d’élus et voter contre.

Christian CAROZ
Conseiller municipal de Martigues

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