En juillet dernier se déroulait l'enquête publique sur l'implantation de l'unité BIOCAR à Martigues. Voici le texte intégral des remarques que nous avons inscrites sur le cahier de l'enquête publique et que nous avons discutées avec le commissaire-enquêteur :
"L’unité de biodiesel Biocar indique inscrire son activité dans le cadre d’un objectif européen, arrêté en mars 2007 et décliné au plan national, de porter de 2 % aujourd’hui à 10 % en 2020 la part des biocarburants dans les transports.
Suite à une prise de conscience croissante des impacts négatifs de la production de biocarburants, cet objectif est en train d’être revu et le choix des biocarburants susceptibles d’être utilisés va être conditionné à des critères environnementaux et de performances.
Or deux des matières premières de base utilisées par Biocar dans son unité de Martigues, l’huile de palme et l’huile de soja, ne répondent manifestement pas à ces critères et présentent des impacts environnementaux catastrophiques. Une étude en cours du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire le confirme.
Nous demandons donc que l’arrêté d’autorisation de l’unité Biocar interdise son approvisionnement en huile de palme et en huile de soja et limite cet approvisionnement aux huiles de tournesol et de colza produites sur le territoire européen sur des terres en friche.
L’engouement pour les biocarburants est venu de la perspective de la disparition du pétrole et de l’argument que ces biocarburants n’émettraient pas de gaz à effet de serre responsables du changement climatique. Le raisonnement est, en effet, que ces carburants issus de la culture agricole fonctionneraient selon un cycle fermé du carbone, donc sans émissions de gaz carbonique CO2 : la plante cultivée pour cet usage ponctionne du CO2 dans l’air pour se développer, lequel CO2 est ensuite restitué à l’atmosphère au moment de la combustion du carburant (Annexe 1 – Dossier Biocarburant de Wikipedia).
Malheureusement ce schéma simpliste ne correspond pas à la réalité. Le cycle de culture de la plante, puis sa transformation en carburant, est lui-même fortement consommateur d’énergie, ce qui annule une part importante du gain environnemental attendu. Il faut en effet de l’eau et des engrais pour cultiver, des équipements mécanisés pour la récolte, des véhicules pour transporter sur le lieu de transformation et de l’énergie pour traiter et transformer ce végétal en carburant. De plus les engrais émettent eux-mêmes du protoxyde d’azote dans l’air qui a un pouvoir d’accroissement de l’effet de serre 296 fois supérieur à celui du CO2 (Annexe 2 – Communiqué du MEEDDAT du 17/07/08). Au final la réduction d’émission de CO2 est loin d’atteindre les 100 % envisagés au départ et se limite généralement, dans le meilleur des cas, à 35 %.
De plus, il faut trouver des terres cultivables disponibles pour assurer ces récoltes de plantes à destination énergétique.
On en trouve un peu en Europe en raison d’une surproduction agricole qui a conduit à organiser et subventionner des mises en jachère. Mais ce n’est pas toujours le cas ailleurs dans le monde et on constate aujourd’hui qu’un développement devenu trop important de ces cultures énergétiques a déjà des conséquences qui deviennent catastrophiques.
Ainsi l’usage du maïs pour produire de l’essence conduit à une hausse insupportable du coût de cette matière première alimentaire et induit des famines dans des pays où il n’y en avait plus (Annexe 3 – Article La Tribune du 08/07/08)
Quant au développement de la production des huiles de palme et de soja, il se fait au prix d’une gigantesque déforestation en Asie du Sud Est et en Amérique Latine, déforestation qui détruit une écosystème déjà fragile et menacé et conduit à des émissions supplémentaires de CO2 que le biodiesel ainsi produit ne parviendra que très difficilement à compenser (Annexe 2 – Communiqué du MEEDDAT du 17/07/08 qui évalue à 200 ans la durée nécessaire à la compensation CO2 de la destruction d’une forêt remplacée par une culture énergétique). Ainsi la culture du palmier à huile est responsable de 87% de la déforestation en Malaisie et de la disparition programmée de 16,5 millions d’hectares en Indonésie, au moment où les études internationales notent l’urgence de stopper la déforestation en zone tropicale (Annexe 1 – Dossier Biocarburant de Wikipedia - page 18, Annexe 4 – Article Univers Nature du 23/07/08 et Annexe 5 – Article du Grand Soir du 03/12/05)
Enfin, il est illusoire d’espérer remplacer tout le pétrole utilisé pour le transport par du biocarburant. Les calculs montrent que même si toute la surface de la planète était consacrée à des cultures énergétiques, elles ne fourniraient pas une quantité suffisante de carburant pour répondre à nos usages actuels de transport (Annexe 1 – Dossier Biocarburant de Wikipedia - page 19).
Suite à cette prise de conscience des conséquences négatives d’un développement croissant des biocarburants l’Union Européenne est en train de revoir sa politique.
L’objectif d’atteindre 10 % d’utilisation de biocarburants pour les transports en 2020 est en train de devenir 10 % d’utilisation des énergies renouvelables, ce qui ouvre la porte à d’autres technologies comme l’électricité issue du solaire ou de l’éolien (Annexe 6 - Article du Monde du 7/07/08).
De plus des critères de performances vont être introduits : la biocarburants autorisés devront apporter au moins 35 % de réduction d’émission de CO2 dans un premier temps, puis ensuite 50 %. Par ailleurs, il y aura un critère de « préservation de la biodiversité » et les biocarburants ne devront pas provenir de « zones ayant des stocks élevés de carbone », c‘est à dire les forêts (Annexe 7 – Dépêche EurActiv du 01/04/08 et Annexe 8 - Dépêche AFP du 25/07/08)
Dans ce contexte, le projet Biocar apparaît en décalage complet par rapport à cette évolution de la politique européenne et nationale et ce n’est certainement pas lui rendre service que de le laisser se mettre en place sur des bases qui vont être rapidement condamnées.
L’utilisation de l’huile de palme et de l’huile de soja pour des usages énergétiques est déjà trop importante dans le monde et trop destructrice de forêts à protéger pour qu’on puisse accepter d’en augmenter l’utilisation. L’argument qu’il aurait une origine garantie et respectueuse de l’environnement est fallacieuse, car tout usage nouveau supplémentaire se traduit nécessairement par une pression accrue en faveur d’une déforestation sans cesse croissante. D’ailleurs le fameux label environnemental évoqué par Biocar est plus que sujet à caution dans la mesure où il est délivré par l’entreprise elle-même qui organise dans le même temps la déforestation massive de la Malaisie et de l’Indonésie (Annexe 9 – Article des Amis de la Terre).
C’est pourquoi nous demandons que Biocar ne soit pas autorisée à s’alimenter en huile de palme et de soja et qu’elle limite strictement son approvisionnement en huile de tournesol et de colza produite en Europe sur des terres en friche, en attendant l’arrivée de biocarburants de deuxième génération dont on peut espérer qu’ils ne présenteront pas les mêmes impacts négatifs sur l’environnement et les ressources alimentaires de la planète.
Ces impacts planétaires de biocarburants non respectueux de l’environnement concernent les martégaux qui ne seront pas épargnés par les conséquences du changement climatique : montée du niveau des mers, arrivée de nouvelles maladies, sècheresse accrue et incendies plus dévastateurs… A ce titre, ils sont concernés par l’approvisionnement de l’unité Biocar, même venue de l’autre bout du monde."
Christian CAROZ
Conseiller municipal de Martigues
12 septembre 2008
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1 commentaire:
beaucoup appris
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